Réseau Scientifique PhyloMAP

PhyloMAP#4

La prochaine réunion du réseau PhyloMAP (Phylodynamique des Maladies Animales et des Plantes) aura lieu le mardi 7 novembre 2023, à l’Institut des Systèmes Complexes à Paris (dans le 13e arrondissement, métro Nationale).

Le thème retenu pour cette édition est « Phylodynamique et épidémiosurveillance ». Nous réfléchirons ensemble à l’utilisation des méthodes d’épidémiologie moléculaire, désormais bien établies dans le monde de la recherche, pour ajuster la réponse sanitaire à des pathogènes émergents ou établis.

Programme de la journée

Accueil des participants à partir de 9:30 autour d’un café, début des exposés à 10:00

Matin :

  • Lorraine Michelet — Utilisation des données génomiques et méthodes phylodynamiques en surveillance et gestion de la tuberculose bovine
  • Deborah Merda - L’impact des outils d’assemblage sur le typage des pathogènes bactériens
  • Marie Grosdidier - Présentation de la Plateforme ESV et focus sur deux organismes de quarantaine
  • Sylvie Dallot - Emergence et voies d’invasion de la souche M du Plum pox virus (PPV-M) responsable de la sharka à différentes échelles spatiales

    Après-midi :

  • François-Xavier Briand — Diversité virale des Influenza aviaire en France et apport de la phylodynamique pour comprendre la diffusion virale
  • Claire Lescoat - Genetic epidemiology reveals the epidemic dynamics of the two main bovine viral diarrhea virus genotypes circulating in France
  • Lionel Gagnevin — De l’herbier au champ : parcourir le temps et l’espace pour reconstruire l’histoire évolutive et microévolutive de la bactérie du chancre bactérien des Agrumes
  • Denis Fargette - Histoire du RYMV en Afrique de l’Est ; transmission humaine, transmission vectorielle
  • Bram Vrancken - RSV global epidemiology

    Fin de la journée à 17:00

Résumés des présentations :

Lorraine Michelet — Utilisation des données génomiques et méthodes phylodynamiques en surveillance et gestion de la tuberculose bovine

Deborah Merda - L’impact des outils d’assemblage sur le typage des pathogènes bactériens

Le typage des agents pathogènes est indispensable pour l’épidémiologie moléculaire, et pour investiguer convenablement la source d’une infection. La caractérisation des agents pathogènes bactérien repose sur des approches de typage à partir de données de séquençage WGS (Whole genome sequencing), qui doivent être assemblées afin de reconstituer les génomes bactériens après séquençage. L’assemblage représente donc une étape cruciale pour la qualité des résultats de typage. Dans notre étude, nous avons évalué l’impact de la qualité des données de séquençage sur l’assemblage et par conséquent sur le typage par la méthode cgMLST (core genome MultiLocus Sequence Typing). Nous avons réalisé un séquençage in-silico de 29 espèces bactériennes. Pour chaque espèce, la simulation de données de séquençage a été réalisée à partir de 5 génomes ou plus, disponibles sur les banques de données publiques, selon plusieurs valeurs de profondeur et qualité de séquençage. Pour chaque génome, trois jeux de données ont été simulés. Ces jeux de données ont été assemblés par 3 outils en triplicats. Le typage des agents pathogènes a enfin été réalisé en utilisant la méthode cgMLST. Pour 5 espèces, des séquençages in-vitro ont été réalisés, afin de valider ces résultats. Nos résultats de cgMLST montrent une variabilité, ce qui serait induit par la composition intrinsèque des génomes. Ceux pour lesquels, il y a une variation importante du pourcentage en GC présentent des différences pouvant aller jusqu’à 30 allèles de différence pour une même souche. Il est donc nécessaire de prédire ce niveau de variabilité et d’harmoniser les pipelines d’analyses avant l’investigation d’une épidémie afin de distinguer le polymorphisme induit par l’évolution des agents pathogènes de celui induit par les algorithmes d’assemblage.

Marie Grosdidier - Présentation de la Plateforme ESV et focus sur deux organismes de quarantaine

La Plateforme d’épidémio-surveillance en santé végétale veille à l’efficience de la surveillance épidémiologique en santé végétale à travers différentes productions. Celles-ci proviennent des résultats des groupes de travail ou des équipes projet de la plateforme spécifiquement sur des organismes nuisibles, ou plus largement sur des sujets transversaux tels que la veille sanitaire internationale ou la qualité des données. La Plateforme ESV et quelques-unes de ses productions seront présentées succinctement. Dans un second temps, seront présentés des travaux d’épidémiologie moléculaire pour aider la surveillance des organismes réglementés, un des sujets d’intérêt dans certains groupes de travail (GT) de la plateforme, dont le GT “surveillance de Xylella fastidiosa”. Deux cas d’étude ciblant deux organismes de quarantaines (Xanthomonas citri pv. citri et Xylella fastidiosa subsp. multiplex) seront présentés. Le deuxième cas porte sur les routes d’introduction de Xylella en France métropolitaine (Corse et région PACA).

Sylvie Dallot - Emergence et voies d’invasion de la souche M du Plum pox virus (PPV-M) responsable de la sharka à différentes échelles spatiales

Le virus de la sharka (PPV) est responsable de l’une des viroses les plus dommageables des arbres fruitiers à noyau du genre Prunus, impactant le rendement et la qualité organoleptique des fruits. Transmis par pucerons selon le mode non persistant et par greffage, ce virus génère des épidémies rapides en verger. Il fait l’objet de mesures de gestion en pépinière dans l’Union Européenne et également en verger en France. Dix souches de PPV présentant des caractéristiques génétiques et épidémiologiques différentes ont été décrites au niveau mondial. Elles ont notamment des prévalences et une distribution géographique très inégales, ce qui justifie l’intérêt de réaliser une surveillance prenant en compte l’identité des souches responsables des épidémies. Nos études ciblent plus spécifiquement la souche PPV-M, largement répandue en Europe et considérée comme la plus épidémique. Une approche de phylogéographie discrète basée sur 90 séquences génomiques hétérochrones d’isolats viraux collectés sur une période de 17 ans a permis d’obtenir une première estimation du taux de substitution pour ce virus et de reconstruire les voies d’invasion de PPV-M à l’échelle d’une région de production française. Les résultats obtenus mettent en lumière le rôle des activités humaines dans les premières phases de l’épidémie via la diffusion de matériel contaminé. Dans un second temps, nous avons élargi notre échantillonnage aux vergers européens, ainsi qu’à des Prunus subspontanés dans le sud des Balkans. Ces derniers hébergent une forte diversité génétique virale avec notamment une souche impliquée dans l’émergence de la souche PPV-M par recombinaison homologue. Des études en cours visent à dater cet événement de recombinaison et à reconstruire la temporalité et les voies d’invasion des vergers européens par cette souche.

François-Xavier Briand — Diversité virale des Influenza aviaire en France et apport de la phylodynamique pour comprendre la diffusion virale

Claire Lescoat - Genetic epidemiology reveals the epidemic dynamics of the two main bovine viral diarrhea virus genotypes circulating in France

Bovine viral diarrhea (BVD) is one of the most economically damaging endemic livestock diseases, causing significant losses of cattle production worldwide. Eradication plans have been implemented throughout Europe, notably in France since 2019. Its etiological agent, the BVD virus (BVDV), is a fast-evolving Pestivirus that shows a considerable genetic diversity. In France, BVDV genetic diversity is dominated by two major genotypes, 1b and 1e, which account for > 80% of all genotyped BVDV samples. To better understand the epidemic dynamics of these two lineages, in particular in the context of the current eradication plan, we aimed to collect, sequence and analyse samples isolated from three cattle production regions in France: Normandie, Bretagne and Auvergne-Rhône-Alpes (ARA) between 2011 and 2023. Around 1000 samples were obtained, of which 270 were successfully genotyped using our novel high-throughput genotyping protocol based on 5’ untranslated region (UTR) sequence. Phylogenetic analyses reveal no major changes in genotype proportions in France since the 2000s, only a slight increase in the proportion of 1b since 2021. Moreover, different transmission and worldwide migration patterns were observed for 1b and 1e genotypes suggesting that the maintenance of these lineages in France involved different epidemiological processes. We then aimed at applying a genome-wide phylodynamic approach to gain a better understanding of these epidemiological process. We developed and applied a multiplex PCR-based genome sequencing protocol to obtain ~400 complete genomes. Based on these genomes, preliminary phylodynamic results show that a spatial structuring has been maintained on a regional scale despite decades of virus circulation. Lastly, we will discuss the factors that could influence BVDV transmission and assess the impact of the current French eradication plan on BVDV populations. Overall, our results demonstrate the potential of sequence-based analysis to explore the dynamics of endemic diseases in animal health.

Lionel Gagnevin — De l’herbier au champ : parcourir le temps et l’espace pour reconstruire l’histoire évolutive et microévolutive de la bactérie du chancre bactérien des Agrumes

La connaissance de l’histoire évolutive et du potentiel adaptatif des pathogènes est un élément important pour la gestion des épidémies des plantes cultivées, notamment par une compréhension approfondie des facteurs sous-jacents à leur émergence, leur diversification et leur propagation. Le chancre des agrumes est une maladie causée par Xanthomonas citri pv. citri, une bactérie phytopathogène hautement spécialisée et causant néanmoins de graves ravages dans la plupart des régions agrumicoles. Si les épidémies récentes, en Floride et en Amérique du Sud par exemple, sont bien décrites peu de choses sont connues sur l’histoire globale du pathogène. Afin de reconstituer l’histoire globale de cette bactérie nous avons utilisé plusieurs centaines d’échantillons modernes représentatifs de la diversité mondiale ainsi que 13 échantillons collectés dans des herbiers de muséums d’histoire naturelle, le plus ancien datant de 1845. Les génomes quasi complets de ces échantillons ont pu être séquencés et comparés aux modernes. Ceci nous a permis de calculer une horloge moléculaire et construire des arbres phylogénétiques datés, puis de faire des hypothèses sur l’origine de ce pathogène et les différentes étapes de sa diversification et son expansion mondiale. À une échelle totalement différente, je décrirai par ailleurs comment cette même bactérie évolue au cours d’une épidémie dans un verger à la Réunion. Plusieurs milliers de souches de cette épidémie ont été typées grâce à des marqueurs neutres et en analysant les modifications de gènes de facteurs de virulence, montrant une rapide diversification sous forme de complexes clonaux et l’importance de ces facteurs de virulence en tant que « moteurs évolutifs » pouvant servir à explorer de nouvelles cibles ou contourner des résistances à très court terme.

Denis Fargette - Histoire du RYMV en Afrique de l’Est ; transmission humaine, transmission vectorielle

La phylogéographie du virus de la panachure jaune du riz (RYMV) en Afrique de l’Est est reconstruite à partir de séquences de protéine de capside d’isolats datés et localisés, visualisée par le logiciel Evolaps-2, et interprétée à la lumière de l’écologie de la maladie et de l’histoire du riz. Un scénario inattendu en ressort, privilégiant la transmission humaine – multiforme - d’une maladie que l’on pensait principalement propagée par voie vectorielle (coléoptères). La dissémination à distance du RYMV a lieu lors du transport de riz dans les débris de végétaux infectés qui subsistent après le pilage et le vannage des semences (glumes, feuilles, tiges). La transmission locale se fait par voie mécanique, par coléoptère ou lors d’échanges de semences.

  1. L’émergence du RYMV chez le riz cultivé remonte au milieu du 19ème siècle. Il est consécutif à la culture du riz sur brulis dans le Great Ruaha Escarpment de l’Ukaguru mountains (centre de biodiversité mondial, est de la Tanzanie) mettant en contact le riz cultivé avec les hôtes primaires du virus et l’éleusine.
  2. Au cours de la seconde moitié du 19ème siècle, le RYMV est introduit à plusieurs reprises dans la grande vallée adjacente de Kilombéro où la culture du riz s’était généralisée. Les trois lignées virales de RYMV en sont issues (S4, S5 et S6), trois lignées aux caractéristiques épidémiologiques contrastées.
  3. A la fin du 19ème siècle, la lignée S4 atteint le sud du lac Victoria. Sa dispersion accompagne l’introduction du riz à l’intérieur du continent au terme de l’axe caravanier reliant la bande côtière au lac Victoria.
  4. Au cours des décennies suivantes, la lignée S4 se disperse autour du lac Victoria.
  5. Au début du 20ème siècle, une souche se détache de la lignée S6 présente dans la vallée de Kilombéro et est introduite au sud du lac Malawi, un mouvement parallèle et concomitant à celui du transport massif de riz à la fin de la première guerre mondiale.
  6. Au milieu du 20ème siècle, une souche se détache de la lignée S4 au nord du lac Victoria et est introduite au nord de l’Ethiopie, probablement avec des semences de riz et/ou via la culture du teff (eragrostide).
  7. Le RYMV se répand ensuite à l’est (7a ; lignée S6) puis à l’ouest (7b ; lignée S4) puis se généralise (7c) avec l’extension de la culture de riz des dernières décennies qui favorise la transmission par voie vectorielle et via les échanges locaux de semences.
  8. La lignée S5 reste circonscrite à la vallée de Kilombéro, mais ne disparaît pas. Cette séquence d’évènements montre combien et comment l’histoire du RYMV en Afrique de l’Est est conditionnée par celle du riz. Les caractéristiques épidémiques contrastées des lignées virales sont le fruit des circonstances historiques et non la conséquence de différences génétiques.

Bram Vrancken - RSV global epidemiology

Respiratory syncytial virus (RSV) is a leading cause of acute lower respiratory tract infection in young children and the second leading cause of infant death worldwide. While global circulation has been extensively studied for respiratory viruses such as seasonal influenza, and more recently also in great detail for SARS-CoV-2, a lack of global multi-annual sampling of complete RSV genomes limits our understanding of RSV molecular epidemiology. Here, we capitalise on the genomic surveillance by the INFORM-RSV study and apply phylodynamic approaches to uncover how selection and neutral epidemiological processes shape RSV diversity. Using complete viral genome sequences, we show similar patterns of site-specific diversifying selection among RSVA and RSVB and recover the imprint of non-neutral epidemic processes on their genealogies. Using a phylogeographic approach, we provide evidence for air travel governing the global patterns of RSVA and RSVB spread, which results in a considerable degree of phylogenetic mixing across countries. Our findings highlight the potential of systematic global RSV genomic surveillance for better understanding global RSV spread.